En début de semaine, je suis allée faire mes courses dans mon supermarché habituel. À la caisse, alors que j’étais en train de terminer de charger mes derniers achats sur le tapis de caisse et disposais la pancarte de séparation entre chaque client, j’entendis dans mon dos les paroles suivantes : « Avec toutes ces belles fournitures de classe, tu sais ce qui te reste à faire à la rentrée, ma chérie ! »

Bon eleve mauvais eleve

Ces mots anodins s’adressaient à une collégienne. La mère et la fille venaient de faire les fameuses courses de rentrée scolaire, alors que les vacances n’en étaient qu’à leur début… Ce n’est pas tant la date à laquelle étaient faites ces emplettes qui me chagrinait (moi-même, lorsque mes enfants étaient en âge scolaire, je procédais ainsi, afin d’éviter le rush des rentrées et surtout la pénurie de matériel) mais bien les paroles. Moi-même, j’avais dû prononcer quelques années en arrière, ces mêmes mots, n’y voyant aucun mal mais au contraire le souci de bien faire et de bien dire. Mais cette fois-ci, j’étais spectatrice et j’avais le recul d’une mère dont les enfants sont devenus des adultes. Ah ! nous, les mères si on savait la portée de nos phrases sur nos enfants… avec cette idée obsédante de tout faire pour contrer le mauvais élève qui guette en chacun.

Forte de cette pensée, je me suis approchée de cette maman d’allure sympathique et me suis permise, après quelques précautions oratoires pour ne pas l’offenser, de lui témoigner l’intérêt suscité par ses propos et aussi ma remarque sur la pression à peine masquée contenue dans ses mots, mise sur les épaules de sa fille. Notre échange se poursuivit et très vite l’inquiétude de cette mère sur l’avenir professionnel de son enfant en cas d’échec scolaire, vint dans la conversation. Après avoir convenu l’une et l’autre d’une société sélective et peu accueillante pour des profils non standardisés (sur le plan scolaire), je me suis autorisée à ajouter que justement, dans ce monde difficile, la meilleure des boites à outils était probablement celle que son enfant allait se construire, épaulé par ses parents et l’école, tout en tenant compte de ses goûts et de ses aptitudes. En d’autres termes, je suggérais à cette maman d’écouter sa fille, de lui faire confiance plutôt que de la préparer à entrer dans LE moule comme on entre dans un couvent !

Ah je sais , c’est facile de dire cela , quand on n’a pas plus d’enfant en course vers la vie d’adulte ! Oui je le reconnais mais néanmoins, je souhaite apporter cette réflexion étayée par mon expérience de mère complétée par celle de la connaissance en psychologie de l’enfant.

2021

Encore en 2021, quand on parle de ses enfants en âge scolaire, sommes-nous obligés de parler d’eux en terme de bon ou mauvais élève , sous-entendu que si c’est un bon élève, c’est la réussite garantie? Mais de quelle réussite parlons-nous : la leur, la nôtre ?

Eux-mêmes , sont-ils en mesure de se penser autrement qu’en ces termes de bon ou mauvais élève?

Et pour couronner le tout , l’ultime question que le jeune est en droit de se poser : que fait-il quand il est « mauvais » élève ? il va se cacher …il disparait et il souffre en silence ?

Je veux écrire cet article pour tous ces enfants qui supportent en silence ou pas, ce terrible qualificatif de « mauvais » élève mais également , ce qui peut paraître surprenant, pour ceux qui souffrent aussi , de cette autre étiquette de « bon » élève. Comme si la vie se résumait à cette binarité : bon élève ou mauvais élève !

Avec un peu de recul, cette alternative est bien peu attrayante et engageante…pour la vie future et déjà on comprend pourquoi certains enfants sont déprimés ou d’autres ont mal au ventre les dimanches soirs de veille d’école ! Je peux témoigner que lorsque conjointe collaboratrice de médecin généraliste, je recevais les appels le lundi matin d’un parent pour son enfant qui avait mal au ventre ou de la fièvre et que le médecin ne diagnostiquait aucune pathologie médicale …Combien de radio prescrite pour rassurer la mère ! Et l’enfant dans tout ça , dont la seule façon d’attirer l’attention du père ou de la mère n’était que de manifester à travers son corps, un malaise si difficile à exprimer avec des mots ou, tout simplement, impossible à dire devant un parent surmené, pressé de toute de part ?

Bon eleve VS mauvais eleve

Je veux apporter ici une réflexion sur l’élève qui depuis des décennies, n’a pas bien son mot dans cette affaire. Parce que derrière chaque élève , il y a un parent, des parents, une famille, un groupe social qui ont des attentes. Mais quelles sont ces attentes ?

Pour les parents, les attentes sont parfois inavouables… La fierté d’avoir un enfant qui entre dans les bonnes cases rejaillit sur le parent lui-même, tout en faisant convoiter un avenir sans nuage et que cela vient peut-être compenser un manque, racheter un échec.

 Mais quelle place pour l’intéressé lui-même dans ce deal ? En tout cas , il est rare que l’enfant ait été informé des échecs (en tout cas perçus comme tel) de ses géniteurs. De même il est tout aussi improbable que ces mêmes parents annoncent la terrible mission à leur enfant de réussir …à leur place . Mais pourquoi donc ? Les justificatifs sont nombreux . En réussissant, la vie sera plus facile. En travaillant « bien » il sera heureux…Et si ce n’était pas aussi simple ?

D’abord, combien il est important de liquider la question de ce rachat ! L’enfant n’est pas là pour nous apporter ce qui nous a manqué : c’est bien là, le hic ! En avons-nous conscience ?  Être à son propre compte et non pas à celui de ses parents est certainement la clef de son bienêtre, nul doute là-dessus !

Ensuite que lui souhaiter? Et si la réussite était non pas un but mais le corolaire d’une vie épanouie qui elle, pour le coup, serait l’objectif majeur de l’accompagnement éducatif ? Et si le parent reconnaissait lui-même que pris dans ce piège de la réussite transmis de génération en génération, il en avait fait les frais, que son passé de mauvais élève à un moment de sa scolarité le hante (oui, chacun d’entre nous a rencontré des difficultés dans sa scolarité à un moment ou à un autre et en cela rien d’anormal, ai-je envie d’ajouter) et que sa vie d’aujourd’hui n’est pas celle qu’il avait rêvé ?

Allons soyons courageux et reconnaissons que peut être notre parcours d’apprenant n’était pas le plus épanouissant. Admettons que bon an, mal an on s’est accommodé de cette situation. Enfin et surtout rappelons-nous qu’alors, on s’était juré qu’avec ses propres enfants, on se garderait bien de reproduire un tel schéma ! Prenons conscience que nous sommes peut-être en train d’emprunter le mauvais chemin avec nos enfants comme nos propres parents l’ont fait avec nous !

Mais rien n’est perdu ! Il n’est jamais trop tard. Profitons des vacances pour changer le cap ! Faisons-nous confiance en faisons confiance à nos enfants. Parce qu’il est question d’un être humain qui pendant cette période spécifique qu’est la scolarité, se voit dessiner devant lui tous les possibles . Mais ces possibles sont bien souvent bridés, empêchés, niés . Pourquoi ? Parce que les adultes en charge de son éducation, ne sont pas préparés à cette posture qui est de l’observer, d’identifier ses envies, ses aptitudes.

Nous nous contentons d’essayer de produire un bon élève, ou du moins de l’épargner au statut du mauvais élève, équipé de belles fournitures scolaires pour entrer dans les bonnes cases, comme le reconnaissait cette mère croisée au supermarché.

En fait la vraie question est l’enfant, plutôt que l’élève. Qui est-il ? Quelle est sa personnalité ? Comment l’accompagner pour répondre à ces 2 objectifs que sont, son épanouissement et son intégration dans sa vie future d’adulte ?

Eleve

C’est vrai, cela demande d’explorer des champs nouveaux, des espaces dans lesquels on peut se sentir bien seul parce que peu proposé par l’école…Alors pour prendre ce nouveau départ , il y a d’abord un message à envoyer à nos enfants, celui de sentir bien dans ce qu’il entreprend  et puis un autre message à s’envoyer à soi-même, celui d’ accepter ses choix même si ceux-ci ne correspondent pas à ceux que l’on avait imaginés…

Profitez de vos vacances pour parler à vos enfants et les découvrir autrement qu’au travers du prisme de la scolarité…

C’est un bon début et si vous voulez poursuivre ce chemin, non plus seul, alors venez en parler : car comprendre les enjeux du développement de son enfant, c’est se donner les outils pour l’accompagner vers le chemin de l’adulte.

Bonnes Vacances et oubliez la crainte du mauvais élève mais plutôt réjouissez-vous d’être le parent d’un être qui ne demande qu’à vivre, découvrir et se construire grâce à vous !

 

Hélène LE GOAS

Consultante en parentalité et thérapeute